Pourquoi le remaniement identitaire à l’adolescence n’est pas synonyme de transidentité ?
Avant toute chose je tiens à souligner que je ne suis pas transphobe. J’ai bien conscience de la vulnérabilité des personnes trans lorsque l’on aborde leur parcours et mon intention n’est pas de les juger. Ce que je déplore, c’est que sous prétexte d’un mal-être existentiel et d’un sentiment de solitude, certains activistes trans et des adolescents se saisissent de ce sujet pour « convertir » d’autres enfants à leur cause, profitant de ce qu’on appelle le remaniement psychique, processus psychologique normal qui touche tous les adolescents. Qu’un enfant ou adolescent souffre de dysphorie de genre et qu’il ait besoin qu’on le reconnaisse, je suis tout à fait d’accord avec cela. Qu’on ne pathologise pas son identité, cela me paraît évident. Mais n’oublions pas qu’un certain nombre de personnes transgenres sont en dépression, et la dépression est une pathologie. La solution à la dépression ne peut pas être un « simple » changement d’apparence ou de sexe, quelle qu’en soit l’origine. Une dépression s’installe et affecte l’ensemble du sujet, il doit être accompagné à ce moment-là, pour soigner sa dépression, pas sa transidentité. La guérison ne passera pas forcément par le changement de sexe, puisque chacun pourra apprendre à « composer » avec son corps de la manière qui sera confortable et juste pour lui/elle. D’autres personnes trans ont subi des abus dans leur passé qui les ont conduit à rejeter ou haïr leur corps… Si la transidentité leur paraît être une solution souhaitable, ce n’est pas forcément cela qui guérira leurs traumatismes passés. Attention donc à tout ce qui a amené l’enfant ou l’adolescent vers la transition… En disant « la transidentité n’est pas un trouble psychique » on risque de passer à côté de pathologies associées (dépression, angoisses, troubles anxieux), et souvent c’est cela qui pousse un être humain au suicide, moins que le fait d’être ou pas transgenre. Chacun est unique et chaque histoire de vie est unique. Vouloir mettre toutes les personnes transgenres sur un même plan comporte le risque de passer à côté de ce qui fait souffrir chez chaque personne. Quant à la plupart des adolescents, comme je le disais, ils vont passer par un remaniement de leur « identité », de toutes leurs identifications, de leur sentiment d’appartenir à leur genre de toutes façons. A ce moment-là, ils sont fragiles et susceptibles d’être influencés par leurs pairs transgenres, alors qu’en tant normal ils n’auraient jamais pris cette voie. C’est là où je demande à toute personne trans d’être responsable de ses paroles et de ses actes. On ne peut pas dire à tout adolescent qui s’interroge : « Cherche pas, tu es trans, c’est sûr »… simplement pour se rassurer soi. Non, chaque adolescent qui s’interroge sur son genre n’est pas transgenre. Chacun va tester, se chercher, s’essayer à une identité puis une autre, et il est fréquent qu’une personne trans se réconcilie à l’âge adulte avec son sexe de naissance.
Que se passe-t-il si on prend trop tôt des bloqueurs hormonaux ? Que se passe-t-il si l’on brandit la chirurgie comme baguette magique capable de régler tous les malaises identitaires ? Les mutilations sexuelles, car c’est le mot, ne sont pas anodines. Elles ne sont pas réversibles. On ne peut pas d’emblée inciter un ado à transitionner. C’est un processus qui prend du temps, qui demande une maturation, preuve en est des personnes trans qui détransitionnent et se retrouvent parfois stériles à l’âge adulte, ce qu’elles n’avaient pas vu venir… Je demande donc à chaque personne qui veut « informer » sur la transidentité, de ne pas faire d’amalgame entre « information » et « prosélytisme » (faire adhérer des jeunes à ta cause). Il en va de leur santé et des conséquences possibles sur leurs corps et sur leur vie entière. Un adolescent n’a pas conscience qu’il peut vivre une période sensible de sa vie avec certaines idées et des sentiments particuliers, qui seront différents 10 ou 20 ans plus tard car il aura totalement changé de point de vue et de manière d’appréhender le monde. Une personne trans honnête avec elle-même le sait, tout n’est pas si simple. Alors s’il vous plaît, si vous voulez qu’on vous prenne au sérieux, faites les choses en conscience. De la même façon, un parent qui s’opposerait à la chirurgie de son ado de 15 ans le ferait en toute bonne foi et avec plus de bon sens que celui qui l’autoriserait. Car si 5 ans plus tard son enfant tombe amoureuse d’un homme, détransitionne (parce qu’un autre aime son corps tel qu’il est et lui renvoie une image qui lui permet de se sentir femme par exemple), qu’elle met au monde un enfant et souhaite allaiter…en fonction de la limite qui aura été posée, elle pourra ou non nourrir son enfant au sein. En fonction des hormones qu’elle aura prises et de la chirurgie qu’elle aura faite 5 ans plus tôt, elle ne pourra d’ailleurs peut-être pas enfanter… Dans tous les cas, ce ne sont pas des décisions à prendre à la légère, et encore moins sans être accompagné de personnes qui peuvent apporter, certes une écoute bienveillante, mais aussi une écoute qui va entendre ce qu’il y a derrière le paravent de la transidentité. Un être humain est complexe, et il n’y a pas de recette toute faite pour tous les malaises existentiels. Si on souhaite laisser la place à tous les genres possibles, laissons aussi la place à toutes les solutions possibles, plutôt que la même pour tous. Merci de votre attention.
Tiffany